Ce n'est qu'à une date récente que des philosophes et des historiens spécialisés ont commencé d’étudier le développement des sciences du langage à partir des méthodes et des points de vue qui sont ceux de la philosophie et de l’histoire des sciences. Alors que l’on dispose de quantité de discussions sur les débuts de la pensée mathématique ou sur les mutations des conceptions de la réalité naturelle, aucun travail de ce type n’a été consacré aux études linguistiques.
Cet ouvrage se propose d’aborder la question d’un point de vue tout à fait général : quand et dans quelles circonstances sont nées des disciplines consacrées au langage ? Quel est leur impact sur le développement culturel humain ? Quels sont les grands tournants ? Deux thèses y sont principalement soutenues. L’une concerne l’ancienneté des sciences du langage, qui figurent – avec les mathématiques, le droit et l’astronomie – parmi les disciplines cardinales que l’on voit naître dans toutes les civilisations sédentarisées et disposant de l’écriture. L’autre a pour objet un processus unique dans l’histoire de l’humanité : il s’agit de l’outillage ou grammatisation des langues du monde à partir d’un équipement intellectuel construit à l’origine pour des langues particulières (le grec et le latin). C’est de cette révolution technologique que sont nés aussi bien le projet typiquement européen d’une théorie générale des langues que les formes de nos espaces modernes de communication.
Réflexion épistémologique globale et présentation raisonnée de nombreux faits mal connus, La révolution technologique de la grammatisation est une introduction générale à l’histoire des sciences du langage.